Comment Lionel Guérin et Pierre-François Le Louët veulent fédérer le secteur de l’habillement autour de l’Ufimh.

19 avril 2025

En janvier dernier, Lionel Guérin et Pierre-François Le Louët devenaient co-présidents de l’Union française des industries de la mode et d’habillement, prenant le relais du mandat de trois ans de Sylvie Chailloux. Les deux dirigeants, figures reconnues du secteur, qui connaissent parfaitement les rouages des organisations patronales, annonçaient alors un « projet refondateur » et une évolution des structures de décision du secteur. L’Ufimh réunit au niveau national la Fédération française des industries du vêtement masculin et la Fédération française du prêt-à[1]porter féminin, auxquelles s’ajoutent la Fédération des industries diverses de l’habillement, le Groupement de la fabrication française (GFF) et de nombreux syndicats régionaux. L’ambition affichée est de fédérer les énergies de ces différents acteurs. Alors que le secteur de l’habillement et de la mode est confronté à une intense transformation et à des difficultés structurelles, FashionNetwork.com a fait le point avec le binôme sur cette nouvelle approche, sur les projets portés par l’organisation et sur leur philosophie.

FashionNetwork.com : En janvier dernier, vous avez été élus co-présidents de l’Ufimh. Pourquoi cette organisation en binôme ?

Lionel Guérin : C’était important car nous sommes tout d’abord complémentaires. Ensuite car cela peut faciliter une logique de rapprochement dans laquelle nous sommes engagés. Et enfin, parce que le secteur est confronté à de nombreux sujets auxquels nous devons apporter des réponses.

FNW : En quoi êtes-vous complémentaires ?

Pierre-François Le Louët : Nous possédons des compétences et des histoires un peu différentes. Lionel est un très grand professionnel de l’univers du social, de la formation. Pour l’Ufimh c’est absolument essentiel car notre fonction implique de négocier les conventions collectives. Pour ma part, j’ai une expertise de l’innovation et des marques alors que Lionel maîtrise l’univers du vêtement d’image et de fonction, qui est une autre composante importante de notre union.

FNW : Lorsque votre mandat a été annoncé, vous avez glissé dans votre lettre d’intention vouloir une évolution des structures de décision et un rapprochement des équipes des différentes structures. Qu’est-ce que cela signifie ?

PFLL : Cela veut dire que nous avons mis en place une nouvelle gouvernance. Et nous annonçons aujourd’hui le déménagement de la fédération du prêt-à-porter féminin au 8 rue Montesquieu, à Paris, qui rassemblera donc l’ensemble des fédérations professionnelles composant l’Ufimh. La fédération des industries du vêtement masculin est déjà là, la maison du savoir-faire et de la création est déjà là. La FFPAPF nous rejoindra en octobre.

FNW : Qu’est-ce que cela doit apporter ?

LG : Cela va permettre que les équipes puissent travailler beaucoup plus ensemble et mener à bien des projets. Mais nous avons surtout la mise en place de la nouvelle gouvernance avec huit vice-présidents statutaires qui ont été chacun choisis pour leurs compétences sur l’un des huit sujets stratégiques que nous avons identifiés en conseil d’administration. Nous avons aussi défini des référents opérationnels membres des équipes des fédérations pour pouvoir soutenir chaque vice-président.

FNW : Quel est l’objectif de cette mise en place et qui sont les vice-présidents ?

PFLL : Il y a un souci d’efficience. Notre objectif est d’avoir des prises de positions extrêmement claires de l’Ufimh sur tous les sujets qui la concernent et d’être présent dans toutes les négociations ou discussions. Notre rôle est de représenter notre profession sur tous les sujets régaliens liés aux discussions avec les assemblées, avec le gouvernement et les différents ministres. Nous savons qu’il y a de très fortes ambitions pour notre secteur. Donc il faut chez nous des interlocuteurs qui sachent exactement de quoi ils parlent. Chacun a mis en place ses notes de contexte et des visions d’avenir.

LG : Les vice-présidents ont été élus ce 20 mars en assemblée générale. Claire Besançon, qui avait déjà en charge ce sujet précédemment, coordonne la thématique de la transformation RSE, Sylvie Chailloux est vice-présidente en charge de la relocalisation et de la réindustrialisation, Hervé Coulombel supervise les sujets sur l’innovation, Jacques Martin-Lalande prend en main le social et la formation alors que Pierre-Jacques Brivet se charge de la formation initiale, Laurent Marck dirige la plateforme des savoir-faire, Yann Rivoallan est vice-président de la transformation digitale et Hervé Huchet du développement international. Enfin, Dominique Jacomet est notre référent sur les questions européennes.

FNW : Étiez-vous confrontés à un manque de visibilité des enjeux du secteur du fait des nombreuses fédérations ?

PFLL : En réalité il y a beaucoup trop de fédérations professionnelles et d’interlocuteurs potentiels. C’est le sens de la mise en place d’une gouvernance unifiée et du rassemblement des fédérations dans un même lieu, mais Lionel Guérin et Pierre-François Le Loüet – Ufimh aussi du rapprochement des structures en régions.

FNW : Mais chacune des entités a un président et des équipes, comment allez-vous fonctionner ?

PFL : Les choses vont évoluer dans le sens du rapprochement des organisations. C’est ce qui a été voté à l’unanimité par notre conseil d’administration. C’est important pour pouvoir aller dans le même sens. Concrètement les présidents de fédérations sont élus et sont vice-présidents de l’Ufimh. Nous ne nous marchons pas sur les pieds, au contraire. Nous prenons le meilleur de chacun d’entre nous pour avancer et pouvoir apporter des réponses au gouvernement.

LG : Par exemple, je reste président de la fédération des industries du vêtement masculin, qui m’a élu en février suite au décès de Claude Tétard, donc je reste président de cette fédération et vice-président de Promas, qui se charge de promotion internationale des marques du masculin.

FNW : Vous évoquez une évolution de l’organisation. Qu’est-ce qui a changé ?

LG : Nous avons mis le focus sur les axes stratégiques. Récemment il n’y avait qu’une commission dédiée à l’innovation et à la RSE. Nous l’avons scindée car les questions de la transformation technologique et de la transition écologique nécessitent des actions dédiées. Par ailleurs chaque vice-président s’appuiera sur une équipe au sein de l’Ufimh avec l’idée d’ouverture à d’autres experts et des start-ups extérieurs à nos fédérations. En effet, les chefs d’entreprises ont parfois tendance à avoir le nez dans le guidon. Nous voulons avoir cette ouverture pour avoir un regard prospectif.

FNW: Vous débutez votre mandat de trois ans. Quels sont les sujets clés ou défis auxquels vous allez être confrontés ?

PFL : Il y en a quatre. Il y a tout ce qui a trait à la réindustrialisation et la souveraineté industrielle. Le second concerne le développement durable car au niveau européen il y a 13 textes qui vont impacter la mode dans les années qui viennent dont neuf sur le développement durable. Le troisième sujet c’est l’humain. Et en particulier l’adéquation entre l’offre et la demande de formation. Enfin, il y a l’innovation technologique. Si nous voulons la réindustrialisation et la transformation RSE, il faut que les entreprises soient accompagnées par de nouvelles solutions qui leur permettent d’embrasser ces nouvelles contraintes sans trop de difficultés.

« La transition durable n’est plus une question, c’est une nécessité »

FNW : Vous évoquez les textes européens. Mais au niveau français, la future loi portée par la députée Anne-Cécile Violland, présentée comme « contre l’ultra fast-fashion », ou le prochain dispositif d’affichage environnemental, vont apporter des changements au niveau français. Il semble que le gouvernement a prêté l’oreille à des organisations comme En mode Climat ou la Fédération de la mode circulaire. La nouvelle structure de l’Ufimh est-elle aussi une réaction au poids de ces acteurs ?

PFL : Non, il n’y a pas de réaction. D’ailleurs, nous avons de bonnes relations avec la fédération de la mode circulaire comme avec beaucoup d’autres acteurs de notre écosystème, comme l’Alliance du commerce et la Fédération de la maille. Qu’il y ait des activistes qui soient écoutés par le gouvernement c’est absolument normal. Si nous voulons être efficaces nous avons besoin que les entreprises s’approprient les réformes et notre mission est de les représenter. Avec le ministère de la Transition écologique nous avons participé aux différents travaux et aux différentes auditions qui ont mené à cette loi anti-fast-Fashion que nous soutenons. Il faut reconnaître le poids considérable de Yann Rivoallan, le président de la fédération du prêt-à-porter féminin, dans ce combat dans lequel il a eu un rôle crucial, autant voire plus, que beaucoup d’activistes.

Donc les fédérations professionnelles ont été à l’avant-garde de ce mouvement contre l’ultra-fast-fashion et nous sommes très heureux du vote à l’unanimité de cette loi à l’Assemblée nationale. Mais notre rôle ne se limite pas là. Nous serons aussi très attentifs à la bonne application de cette loi car cela dépendra d’un certain nombre de décrets sur les seuils, la question des modalités d’affichage environnemental ou de la définition d’une référence. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour que cette loi ne rate pas sa cible. Nous sommes alignés avec l’Alliance du commerce et la Fédération de la maille pour, le diable étant dans les détails, pour vraiment être sûr que cette loi vise l’ultra fast fashion qui a tellement déstabilisé notre écosystème.

FNW : Avec cette période d’inflation, les entreprises du secteur voient leurs marges attaquées. Comment envisagez-vous qu’elles investissent dans la RSE et l’innovation alors que leur priorité est plutôt, comme le disait Lionel Guérin, d’avoir la tête dans le guidon et de continuer à avancer ?

PFLL : Je comprends parfaitement les difficultés des entreprises, je suis chef d’entreprise moi-même et confronté à la transformation radicale des industries de la mode. Mais en fait ça n’est plus une question c’est une nécessité car c’est une obligation légale. Les lois qui sont votées ou les neuf textes en cours de discussion au niveau européen font que de toutes les façons nous n’avons pas le choix. L’Ufimh a mis en place avec le soutien du Défi des subventions avec un accompagnement financier des entreprises pour pouvoir les aider à embrasser cette transformation. Nous avons créé des outils, avec des guides donnant la direction concrète. Les fédérations peuvent aider à définir une stratégie.

LG : Nous sommes passés d’une logique d’acculturation, qui permettait de faire comprendre les enjeux et d’éviter d’avoir des entreprises qui mettent ces sujets au fond d’un tiroir, à une logique d’action. Tout le monde doit avoir compris, et notre job est maintenant de pouvoir leur fournir un système clé en main car toutes les entreprises n’ont pas la puissance de feu des grands groupes pour développer des réponses en interne. Pour les petits, on ne fait plus de l’information, on va leur proposer un guide de mise en place.

PFL : Car aujourd’hui si on est une marque et que l’on n’a pas commencé à s’intéresser à ces sujets, je confirme qu’on est très mal parti !

FNW : Pourtant, dans d’autres secteurs une musique se fait entendre de la part de représentants d’entreprises quant au coût trop élevé de la transition. Qu’il faudrait alléger les cadres voire repousser les échéances. Est-ce l’approche de l’Ufimh ?

PFL : Que ce soit bien clair, nous avons été la première organisation professionnelle il y a huit ans à financer une étude sur le développement durable et la mode. Cela fait fait huit ans que nous alertons les entreprises et que nous comptons parmi nos membres les entreprises les plus engagées de France sur ce sujet-là. Si l’idée est décalée d’un an ou deux, en fait ce n’est pas le sujet. Le sujet c’est que toutes les sociétés aujourd’hui doivent avoir une stratégie RSE, avec un plan d’actions. Encore une fois, nous n’avons pas le choix ! La question n’est pas de décaler de 12 ou 18 mois quand on parle de la vie d’entreprises qui s’étend sur plusieurs dizaines d’années. Le sujet c’est d’avancer !

FNW : Mais, vous l’avez dit, les sociétés peuvent difficilement répondre seules à ces défis. Les dirigeants sont-ils prêts à travailler collectivement ?

PFL : Je pense qu’il y a déjà un joli travail collectif. Nous testons plein de choses avec nos organisations professionnelles. Effectivement, il faut encourager les entreprises qui se sentent un peu perdues à se rapprocher de nos organisations pour qu’on puisse les embarquer et, comme le disait Lionel, avoir de l’impact. Mais collectivement il y a un autre sujet sur lequel nous sommes extrêmement attentif, c’est la question de la relocalisation, de la souveraineté qui est liée aux questions de durabilité. Nous lançons un appel à toutes les marques de mode premium pour qu’elles puissent relocaliser une partie de leur production en France.

FNW : C’est-à-dire ?

PFL : C’est-à-dire qu’on ne parle pas de mettre en place une capsule alibi, mais de mettre en place des partenariats avec des fabricants français qui sont à l’écoute, capables de fabriquer pour le moyen de gamme. Nous devons nous assurer de ne pas être dépendants exclusivement des importations très lointaines.

FNW : Sur ce sujet, le salon Première Vision Made in France se tient actuellement. Quel état des lieux faites-vous de la situation du secteur. N’y a-t-il pas une défense de l’existant à mener ?

PFL : Oui toujours. Aujourd’hui, il y a les fabricants français qui font du haut de gamme et sont portés par le luxe. Et ceux qui font du moyen de gamme et qui sont portés par des marques souvent de petite taille, souvent très engagées sur la question du Made in France et qui ont bénéficié d’un vent porteur en sortie de Covid. Cette engagées sur la question du Made in France et qui ont bénéficié d’un vent porteur en sortie de Covid. Cette deuxième population souffre de l’inflation et de la désorganisation des approvisionnements de matières. Il faut la soutenir maintenant car sinon elle ne sera plus là quand il y aura des obligations légales pour les marques de réaliser de la production en France. Et à ce moment-là nous n’aurons pas de solution et les marques vont se retrouver extrêmement démunies. Il faut absolument que du côté des marques premium, nous arrivions à reconstruire une culture industrielle pour créer ces ponts avec les fabricants français. Nous pouvons déjà nous appuyer sur la Maison du savoir-faire et de la création dont la nouvelle plateforme a mis en lien l’an dernier 400 sociétés.

FNW : Parmi vos axes, il y a un sujet qui est un axe complexe depuis plusieurs années pour les entreprises, c’est le recrutement et la transmission des savoir-faire. Quelles actions voulez-vous mener ?

LG : Nous travaillons très bien avec l’Opco de référence. La difficulté est liée à l’accompagnement des entreprises de plus de 50 salariés qui n’ont plus accès à des fonds mutualisés. Nous réfléchissons à créer un fonds mutualisé professionnel pour accompagner toutes les entreprises. Nous visons à que ce dispositif soit opérationnel en 2025. Et puis il y a une image du secteur qu’il faut enjoliver. Il faut réussir à attirer les jeunes et pouvoir présenter des politiques sociales motivantes. Par exemple l’an passé nous avons signé un accord type d’intéressement[1]participation. Nous faisons face à une concurrence pour attirer les profils, notamment par la maroquinerie. La force du secteur est que le travail peut être intéressant. L’aspect formation initiale a été confié à Pierre-Jacques Brivet, avec un travail sur les référentiels de formation d’un BTS, d’un CAP mais aussi d’une dizaine de certificats de qualification professionnelle et des titres du ministère du Travail. Nous souhaitons remettre en adéquation les cursus d’éducation et la réalité des métiers.

FNW : L’actualité du secteur en France est assez morose. Vous débutez votre mandat commun. Quels sont les aspects positifs et motivants dans la période actuelle ?

PFL : Ce qui nous motive, c’est l’incroyable transformation de notre industrie. C’est ce qui est palpitant. Sur les aspects de développement technologique, de développement durable, de relocalisation, de développement international… tout change ! Le cadre législatif change les les aspirations des consommateurs changent, les modèles de distribution changent. Ce qui nous motive c’est d’éclairer les entreprises sur ces transformations pour qu’elles soient le mieux à même de prendre les bonnes décisions.

LG : La transformation est en partie contrainte et il est vrai qu’en tant que présidents de fédération, nous aurions préféré avoir un marché où les entreprises étaient en expansion, cela rend les choses plus faciles et donne un état d’esprit positif. Mais justement nous voulons arriver à être utiles à un secteur dans lequel nous naviguons depuis longtemps qui nous intéresse et nous plaît.

PFL : La chance que nous avons dans cette transformation, c’est que nous comptons sur des ministres qui s’intéressent à nous. Tant du côté de la transformation écologique que de Bercy, nous sommes reçus et écoutés, avec un grand nombre de chefs d’entreprises auditionnés. Ils sont extrêmement attentifs à notre secteur.

Par Olivier Guyot  – Fashionnetwork – 28 mars 2024

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L’entretien du mois : Sylvie Chailloux Directrice Générale Textile du Maine, vice-présidente UFIMH

« C’est au salon Made in France que se prépare l’avenir de nos entreprises » A l’occasion de l’ouverture du salon Made in France qui se déroulera les 2 et 3 avril au Carreau du Temple, Sylvie Chailloux analyse la dynamique actuelle du secteur mode et ses prochains défis, rappelant également le rôle clé de cet événement dans la promotion des savoir-faire français. Quels sont les objectifs du secteur mode pour 2025 ? Ils concernent tout d’abord l’innovation qui doit s’imposer tout au long de la chaîne de valeur. Des efforts ont été fournis dans les domaines du marketing et de commerce mais il reste, notamment, beaucoup à faire dans celui de la fabrication. Par ailleurs, il est essentiel d’améliorer l’organisation des échanges à l’intérieur de la filière, par exemple au niveau des approvisionnements de tissus qui manquent de fluidité. La transformation numérique et l’intelligence artificielle peuvent apporter des réponses rapides et pertinentes à ces questions. Autre défi, celui de l’écologie. Dans un contexte de forte concurrence internationale, la transition écologique est plus difficile à mener mais elle doit rester un objectif. Nous allons observer les effets de la prochaine mise en œuvre volontaire de l’affichage du coût environnemental qui, on l’espère, va réorienter les consommateurs vers une mode plus durable. Dans tous les cas, les marques ont intérêt à valoriser davantage leur démarche car elle constitue une vraie différenciation aux yeux des consommateurs. Enfin, le sujet de la fin de vie des vêtements s’invite dans l’actualité. Nos législateurs auront à assouplir les règlementations car nous ne disposons pas des capacités nécessaires pour appliquer les dispositions votées. Il faut soutenir les actions autour du recyclage et communiquer davantage autour des dangers de la surconsommation. L’Ufimh oeuvre auprès des parlementaires pour être entendue sur ces sujets. Quelles sont les priorités dans les 3 prochaines années ? Les marques françaises auront à gérer un ralentissement durable avec les USA et à réinvestir le marché européen, avec une sorte de European First. Toutefois, l’export hors Europe n’est pas condamné et l’offre française doit valoriser sa créativité pour maintenir ses positions. Nous devrons également poursuivre nos investissements en termes de transition écologique, en espérant que les consommateurs ralentissent leur compulsion d’achat sur les sites chinois qui devraient être impactés par la loi anti fast-fashion, si nos parlementaires prennent la mesure des enjeux. Je reste persuadée que l’engagement vers une mode plus responsable est notre avenir et je rappelle l’intérêt de la démarche des Ateliers Engagés, portée par le GFF, qui constitue un atout clé pour aider les fabricants dans cette transformation. Celle-ci accompagne les entreprises dans une démarche RSE de façon personnalisée, de façon à leur permettre l’obtention du label Les Ateliers Engagés qui atteste des bonnes pratiques et se révèle très précieux d’un point de vue commercial, et en matière de recrutement. Enfin, les fabricants doivent consolider leur modèle dans le secteur du Luxe tout en s’ouvrant à une diversification pour automatiser les process et réduire leurs coûts sur les marchés de volumes. Nous sortons d’un cycle « prospère » post-covid. Chacun doit repenser son offre, identifier son expertise et cibler ses services, c’est à dire réinterroger son modèle pour l’aligner avec la demande à venir. Quel rôle joue ce salon dans le rayonnement du savoir-faire français ? Il est le rendez-vous incontournable pour identifier l’offre de l’industrie française. Les entreprises (une centaine) qui exposent ici sont toutes des résilientes face aux vents contraires de l’internationalisation du sourcing. Elles ont une histoire et des valeurs qu’elles défendent. Par leur visite, nos clients témoignent de leur attachement à ce modèle même si la période est plus compliquée. Ces visiteurs ont un réel projet et un intérêt pour notre savoir-faire. Ce Salon génère des rencontres qui se transforment en affaires parfois, mais sur le temps long. Contrairement à d’autres salons, on ne repart pas de Made in France avec un carnet de commandes mais on enrichit son réseau. C’est ici que se prépare l’avenir de nos entreprises. *Sylvie Chailloux. Directrice Générale Textile du Maine, administratrice du groupement professionnel Mode Grand Ouest, co-présidente du Groupement de la Fabrication Française, vice-présidente UFIMH. https://www.textile-du-maine.com/  

L’IFM : une école d’excellence pour les métiers techniques de la mode

Depuis sa fusion avec la chambre syndicale de la Haute Couture, l’Institut Français de la Mode a donné un nouvel élan à des formations techniques, alliant désormais savoir-faire français et technologies modernes. Zoom sur ce renouveau avec l’enquête menée par la Maison du Savoir-Faire et de la Création. Dans la mode, les collaborations permettent souvent de réunir le meilleur des deux partenaires… On pourrait en dire autant dans l’univers de la formation si l’on en juge par la fusion très fructueuse réalisée en 2019 entre l’Institut Français de la Mode (IFM) et l'École de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, deux institutions réputées mondialement. La première, créée en 1986, avait pour vocation initiale de préparer les futurs managers de la mode, y compris en matière de création. La seconde permet depuis 1927 d’acquérir les bases techniques de la Haute-Couture au sein des grandes Maisons autant que les techniques de modélisme, de fabrication, de finitions et de mise en forme nécessaires aux ateliers de confection français. La fusion de l’IFM et de l’École de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne a abouti à une combinaison unique au monde. “Nous sommes la seule école de mode au niveau mondial à réunir sur le même campus ces trois piliers que sont le management, la création et les savoir-faire techniques”, souligne Sylvie Ebel, la directrice générale adjointe de l’IFM. Tournant moderne Les formations techniques issues de la Chambre Syndicale ont tiré parti de ce rapprochement. Elles “ont pris un tournant un peu plus moderne avec l’IFM, explique Blenda Clerjon, la directrice des programmes pédagogiques du CAP et BP, professeure et référente du Bachelor of Arts in fashion Design de l’IFM. Nous avons gardé les origines très importantes de la Chambre syndicale, conservé l’héritage et sa transmission du savoir-faire français et nous lui avons redonné une dimension plus actuelle, grâce à une équipe jeune et dynamique”. Cette mise à jour des enseignements a bénéficié aux deux formations historiques en alternance, mises en place dès 1927, délivrant des certificats d’aptitude professionnelle. Soit le CAP Métiers de la mode (niveau trois), qui forme les couturiers, mécaniciens monteurs et prototypistes et le Brevet Professionnel (BP) Vêtement sur mesure (niveau quatre), “permettant d’acquérir une haute technicité en confection de vêtements sur mesure” nécessaire aux premières mains et aux modélistes/toilistes. Deux nouveaux cursus Preuve de l’intérêt que suscite la Couture, le cursus technique s’est étoffé avec l’adjonction de deux nouvelles formations : en 2019, un Bachelor Modéliste Concepteur (BMC) dont le programme innovant (niveau 6) est proposé sur trois ans en alternance puis, en 2023, un CAP Couture Post-bac en 1 an. "Cette formation accélérée à plein temps permet de découvrir les métiers de la couture et a l’avantage de s’adresser aussi bien à des personnes en réorientation (fin de carrière ou en cours d’études) qu’à des étudiants étrangers possédant un équivalent du baccalauréat, désireux de se former aux savoir-faire français et de rejoindre l’IFM”, précise Blenda Clerjon. A tous les niveaux, un même constat d’excellence se retrouve, celui-ci se traduit par des taux de réussite et de placement exceptionnels. Entre 98% des 45 étudiants de CAP et des 20 étudiants du BP sortent diplômés. Des taux attestés par l’Etat, chargé de la correction des examens. Le taux d’insertion professionnelle est proche, pour sa part, de 85% dans les six mois qui suivent la fin des formations. 170 entreprises partenaires Ces statistiques sont d’autant plus satisfaisantes que l’IFM a gagné la confiance et la fidélité de nombreuses entreprises françaises, soit environ 170. Le panel s’étend des plus grandes Maisons de luxe, comme Dior, Chanel, Hermès, Givenchy ou Louis Vuitton, aux ateliers de confection répartis dans toute la France en passant par les bureaux d’étude ou marques de mode… Pour arriver à une telle réussite, plusieurs éléments se combinent, soit à la fois un enseignement adapté et une sélection exigeante des étudiants. Un corps professoral proche du terrain Premier atout de taille : "l’équipe de professionnels pilotant les enseignements est largement aguerrie aux réalités du terrain", explique Blenda Clerjon. Toute cette équipe échange régulièrement avec les tuteurs des étudiants, via des visites en entreprise ou deux rencontres semestrielles, mais aussi avec l’Education Nationale, pour lui faire prendre conscience de l’évolution du terrain et adapter l’enseignement. “Pour les CAP, les diplômés sont formés aux référentiels de l’Education Nationale, à savoir des blocs de compétences, souligne Blenda Clerjon. En dehors de ceux-là, nous avons un peu de latitude pour personnaliser le programme et répondre aux besoins de nos entreprises partenaires". Cette fluidité entre théorie et pratique se traduit dans la pédagogie de l'école. “Nous avons des études de cas réel sur les problématiques de la fabrication et tout ce qui tourne autour”, indique la responsable. L’enseignement porte sur des techniques issues d’une longue tradition, comme le moulage, le patronage, la couture à la machine ou à la main. Mais depuis la fusion de 2019, il intègre aussi de nouvelles technologies - formation à la CAO, PAO et prototypage 3D. Priorité à la RSE La RSE est aussi désormais un must à l’IFM avec de plus en plus de projets axés sur le recyclage et la circularité des matériaux, l’upcycling et l’ecosourcing. “Nous sensibilisons les jeunes aux enjeux sociaux et environnementaux, explique Blenda Clerjon. Nous essayons de les pousser à faire de l’upcycling à la fois des matières et produits déjà existants, voire à introduire des matières autres que les textiles dans leurs projets”. Les étudiants peuvent ainsi utiliser des fins de rouleaux ou de stocks donnés par les Maisons partenaires. Une autre explication majeure des performances de l’école repose sur la façon dont elle choisit ses étudiants. "A l’IFM, nous formons des passionnés qui viennent découvrir la mode en commençant par les bases. Nos recrutements sont exigeants. Motivation, projets d’avenir, curiosité, minutie, patience, capacité à travailler en équipe, à répondre aux briefs et à suivre les consignes sont pris en compte tout comme la capacité à faire preuve d’intelligence sociale. Ces qualités sont constamment mises à l’épreuve puisque nos alternants sont perpétuellement en situation professionnelle, même lorsqu’ils sont en classe", fait valoir Blenda Clerjon. Une sélection exigeante Cela se traduit par une sélection stricte à l’entrée des formations. Alors qu’il y a 300 à 400 postulants par an, l’IFM ne dispose que de 45 places, “réparties en trois classes pour leur transmettre les savoir-faire dans de bonnes conditions” pour les CAP en alternance. Et il n’a que 20 places à offrir aux candidats au CAP à temps plein et aux BP ! Certes, la demande est réelle dans les Maisons, ateliers et bureaux d’études pour les étudiants formés par l’IFM... Mais faute de places suffisantes en alternance en entreprise, l’IFM préfère ne pas augmenter le nombre actuel d’étudiants. Ce qui lui demande un temps important pour bien étudier tous les dossiers et n’oublier personne. Un travail conséquent alors que les candidatures sont à la hausse ces deux dernières années, traduisant l’engouement croissant pour les métiers de la main. Des formations techniques prisées Alors que le CAP à temps plein accepte des étudiants âgés de plus de 30 ans (ce qui n’est pas le cas dans les formations en alternance), la responsable voit aussi “des personnes en reconversion professionnelle, ayant fait des études pour rassurer leurs parents. Et comme elles sont malheureuses dans leurs professions initiales, elles reviennent à leur souhait initial d’exercer un métier manuel”. Preuve de leur motivation : elles sont prêtes à investir 12 500 €, le coût de cette formation sans alternance ! L’entrée dans le giron de l’IFM de formations techniques est aussi un plus pour les futurs managers. A la demande des étudiants de ses cursus de management, l’Institut a ainsi créé un certificat pour que ces derniers puissent s’initier aux techniques de la couture, lors de sessions supplémentaires le samedi. "Pour des raisons pratiques, nous avons dû limiter les classes à une vingtaine d’étudiants mais les candidats ne manquent pas”, souligne Sylvie Ebel. Celle-ci a bien conscience du rôle majeur dévolu désormais à l’IFM dans le secteur. “On nous a confié cette école avec des formations essentielles à la spécificité de notre filière. Nous ne nous contentons pas de “garder le temple”, mais nous développons aussi les formations de ces métiers essentiels à l’industrie du luxe française. Et nous allons encore renforcer les choses”, explique la directrice adjointe. A l’image de l’industrie de la mode, alliant création et technique, l’IFM fait ainsi à la fois preuve d’imagination et de rigueur pour maintenir vivante la flamme des savoir-faire français et de leur transmission. Pour en savoir plus, découvrez le site de l'Institut Français de la Mode. Retrouvez les articles du magazine de la Maison du Savoir-Faire et de la Création ici

3 questions à… Amedi Nacer, président des Manufactures de Normandie.

« J’ai la conviction que la production française est un secteur d’avenir" Avec un chiffre d’affaires en constante progression et les grandes maisons du luxe français pour clients, les Manufactures de Normandie sont l’un des meilleurs exemples de la vitalité du Made in France. Avec son président Amedi Nacer, les dessous de cette réussite. Pouvez-vous tout d’abord nous présenter votre entreprise… Basées à Caen, les Manufactures de Normandie sont la fusion des sociétés Thierry et Fonlupt que j’ai rachetées en 2004 et 2012. Deux entreprises aux expertises très complémentaires qui nous permettent aujourd’hui de répondre aux attentes des grandes maisons du luxe français avec quatre pôles d’activités : la maroquinerie, le flou, le tailleur et le développement de nouveaux savoir-faire. La société réunit aujourd’hui 220 artisans et 14 nationalités - des français, mais aussi des afghans, syriens, chinois… Des professionnels motivés qui viennent ici avec une expérience très riche, acquise dans leur propre pays. Celle-ci est complétée par une formation « maison » que nous proposons à nos employés dès leur arrivée et tout au long de leur carrière afin qu’ils puissent acquérir l’ensemble des savoir-faire maison, comme la très exigeante « couture point main ». Deux formatrices, qui ont travaillé durant plus de 20 ans dans l’entreprise, encadrent ces temps d’apprentissage et transmettent les gestes qui sont notre patrimoine. C’est l’une de nos singularités, nous sommes à la fois une entreprise et un centre de formation. Les Manufactures de Normandie connaissent un développement continu. Quelles sont les clés de votre succès, et quels retours d’expérience pourriez-vous partager ? Notre principal atout réside dans notre volonté à nous adapter en permanence, aux marchés, aux attentes de nos clients et à celles de nos salariés. Nous avons toujours placé les besoins de nos employés au cœur des préoccupations de l’entreprise car nous considérons qu’ils sont sa première richesse. Nous attachons une grande importance à la transmission des savoir-faire d’excellence, avec une exigence qui est l’une de nos valeurs communes. Nous cultivons également un management apaisé et de proximité. Tous nos managers sont issus de l’entreprise. Nous tentons de créer les conditions pour que les employés s’investissent, qu’ils aient envie de prendre des responsabilités sans craindre l’échec. Quels sont vos projets, vos ambitions pour les 3 prochaines années ? Nous allons développer encore notre pôle formation car il contribue incontestablement à la bonne santé de l’entreprise. Nous avons aussi pour ambition d’améliorer la rémunération de nos salariés afin de renforcer la pérennité de nos équipes. Côté technique, nous travaillons à monter en compétences dans le domaine de la digitalisation, notamment de la supply chain. Nous avons créé un bureau d’études pour accompagner nos clients en étant davantage force de proposition et en valorisant l’excellence de nos savoir-faire. Enfin, nous sommes très engagés dans le domaine de la RSE et nous allons poursuivre nos actions autour de la réduction de notre bilan carbone. Autant d’objectifs qui participent à valoriser une certaine idée du Made in France auquel nous sommes très attachés. Nous avons su préserver, transmettre et moderniser des savoir-faire exceptionnels et nous avons la conviction que la production française est un secteur d’avenir, pourvu que les entreprises développent cette capacité de s’adapter, en permanence, aux attentes du marché. https://thierry-fonlupt.fr/  

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